Ce nâest pas un livre.
Ce nâest pas un oracle.
Câest un feu autour duquel on a parlĂ©, doutĂ©, et parfois⊠juste respirĂ©.
LâAube du Jeu est le fruit dâun parcours
sensible, critique et symbolique autour du Tarot des 27 Silences,
un jeu de cartes né pour libérer, et non pour guider.
Il ne
prédit rien. Il ne prétend pas savoir.
Il propose une
conversation : avec soi-mĂȘme, avec les autres, avec le
doute â et avec ce quâil reste parfois de foi, mĂȘme aprĂšs le
doute.
En six volumes, ce travail suit un mouvement nocturne.
Chaque
cercle réunit cinq figures, cartes et récits.
Le
sixiĂšme cercle, le dernier, se tient Ă lâaube. Il ne
cherche plus. Il sâincline.
Volume 1 : Croyances Ă Paillettes
Volume 2 : Déconstruction douce
Volume 3 : Ruptures et rebonds
Volume 4 : Intrusions et renversements
Volume 5 : Présence, traversée, incarnation
Volume 6 : Au miroir du feu
Chaque volume contient des dialogues fictifs
entre Prem Pragyan et des penseurs, des figures inspirantes, ou des
présences symboliques.
Chaque scĂšne est accompagnĂ©e dâune
version en FALC soutenu pour garantir une lecture
plus accessible.
LâAube du Jeu, câest ce moment rare oĂč la
critique a Ă©tĂ© faite, le symbole dĂ©construit, le feu regardĂ©âŠ
Et
oĂč lâon peut reposer le jeu, rester
vivant, et continuer.
Ce nâest pas une fin.
Câest un retour Ă la vie
nue, sans carte Ă tirer.
Et dans ce rien⊠quelque
chose brille encore.
«âŻNe cherche pas la vĂ©ritĂ© ailleurs quâen toi, mais nâoublie jamais de la remettre en question.âŻÂ»
â Maxime du feu intĂ©rieur
Un feu dans la nuit. Une main qui tire une carte. Un silence qui appelle un nom.
Ce nâest pas un jeu de rĂ©ponses. Câest un cercle dâĂ©coute.
Dans ce premier recueil du Tarot des 27 Silences, Prem Pragyan invite cinq penseurs majeurs Ă converser autour dâun feu symbolique. Chaque Ă©change est dĂ©clenchĂ© par une carte tirĂ©e du jeu. Ces entretiens sont des dialogues vivants, inspirĂ©s de la tradition socratique, entre doute radical, Ă©coute du corps, langage du silence, Ă©thique de lâaltĂ©ritĂ© et pĂ©dagogie de lâĂ©mancipation.
Les philosophes choisis incarnent chacun une posture essentielle pour comprendre le monde et se comprendre soi-mĂȘme :
âš RenĂ© Descartes â Pour explorer la puissance du doute sans sây perdre.
đ Ludwig Wittgenstein â Pour habiter le silence comme un seuil.
đ Maurice Merleau-Ponty â Pour ressentir le monde avant de le nommer.
đ Jacques RanciĂšre â Pour transmettre sans dominer.
đź Emmanuel Levinas â Pour accueillir lâAutre sans vouloir le saisir.
Chaque scĂšne suit le mĂȘme rituel : une arrivĂ©e, une carte, un Ă©change, une brĂšche. Le langage est sobre, symbolique, poĂ©tique. Les pictogrammes accompagnent chaque philosophe pour rendre la lecture plus fluide et intuitive.
Ce volume est une offrande : Ă celles et ceux qui doutent avec confiance, transmettent avec prudence, et avancent dans lâinconnu avec une lampe intĂ©rieure.
Philosophe du doute mĂ©thodique â Rationaliste
moderne
Il a appris Ă penser en doutant. Mais il
cherchait la vérité, pas le doute pour le doute.
âš PREM PRAGYAN : MaĂźtre Descartes, vous avez appris Ă lâEurope Ă douter. Mais dans ce jeu, le doute semble se retourner contre lui-mĂȘme.
đ DESCARTES : Un doute sans mĂ©thode est une errance. Mon doute Ă©tait pour fonder la certitude, pas pour sây perdre.
âš PREM PRAGYAN : Pourtant, combien sây noient ?
đ DESCARTES : Le doute est un feu purificateur. Mais il faut savoir quand lâĂ©teindre.
â Carte tirĂ©e : Le doute du doute.
âš PREM PRAGYAN : Peut-on douter du doute sans sâeffondrer ?
đ DESCARTES : Tant que tu cherches la vĂ©ritĂ©, le doute est un passage, pas une demeure.
Philosophe du langage et du silence â Mystique
analytique
Il pense que certaines choses sont trop
profondes pour ĂȘtre dites. Le silence peut contenir plus que les
mots.
⚠PREM PRAGYAN : Ce jeu ne donne pas de réponses. Il fait taire.
đŻ WITTGENSTEIN : Ce que lâon ne peut dire, il faut le taire.
⚠PREM PRAGYAN : Et si ce silence était un message ?
đŻ WITTGENSTEIN : Un langage plus ancien que les mots.
â Carte tirĂ©e : Le feu sans forme.
âš PREM PRAGYAN : Une carte blanche. Est-ce un vide ou une offrande ?
đŻ WITTGENSTEIN : Câest un seuil. Une invitation Ă ne plus chercher Ă tout nommer.
PhĂ©nomĂ©nologue du corps vivant â Philosophe de la
perception
Il dit que le corps ressent les choses
avant mĂȘme quâon les comprenne. Le ressenti, câest dĂ©jĂ
penser.
âš PREM PRAGYAN : Une carte me fait frissonner. Est-ce le corps ou lâesprit qui rĂ©agit ?
đ« MERLEAU-PONTY : Le sens naĂźt de la perception. Le monde se pense en toi.
âš PREM PRAGYAN : Et si je me trompe sur ce que je ressens ?
đ« MERLEAU-PONTY : Le corps ne ment pas. Mais il parle en mĂ©taphores.
â Carte tirĂ©e : Le corps dit toujours vrai.
âš PREM PRAGYAN : Vraiment ? Toujours ?
đ« MERLEAU-PONTY : Câest une clef, pas une loi.
Philosophe de l'Ă©mancipation â PĂ©dagogue de la pensĂ©e
libre
Il pense que tout le monde peut penser. Le
vrai enseignant aide lâautre Ă sâĂ©manciper, pas Ă obĂ©ir.
âš PREM PRAGYAN : Peut-on transmettre sans imposer ?
đ RANCIĂRE : Transmettre, câest activer lâintelligence, pas la remplir.
âš PREM PRAGYAN : Et si on me croit plus quâon ne sâĂ©coute soi ?
đ RANCIĂRE : Alors tu es devenu un obstacle. Pas un enseignant.
â Carte tirĂ©e : Le gentil gourou.
⚠PREM PRAGYAN : Peut-on éviter ce piÚge ?
đ RANCIĂRE : En refusant dâĂȘtre crĂ©dible. Et en prĂ©fĂ©rant ĂȘtre lisible.
Philosophe de lâAutre â Ăthique du visage et du
mystĂšre
Il pense que respecter lâAutre, mĂȘme
sans le comprendre, est la base de lâĂ©thique.
âš PREM PRAGYAN : Ce Tarot mâinterroge. Que faire quand je ne comprends pas ce quâil me montre ?
đȘ¶ LEVINAS : Tu es en prĂ©sence. Pas en analyse.
âš PREM PRAGYAN : Alors ce silence est un lien ?
đȘ¶ LEVINAS : Câest une promesse. LâAutre commence lĂ oĂč tu ne le rĂ©duis pas Ă toi.
â Carte tirĂ©e : Le souffle du flou.
âš PREM PRAGYAN : Une carte sans contours. Est-ce une perte ou une ouverture ?
đȘ¶ LEVINAS : Câest lĂ que commence lâĂ©thique. Quand tu cesses de tout comprendre.
Dans ce second cercle, d'autres penseurs sâinvitent au feu. Pourquoi eux ? Parce quâils Ă©clairent les marges. Parce quâils ont parlĂ© des rĂȘves, des oppressions, des rĂ©cits oubliĂ©s. Parce quâils ont ouvert des brĂšches dans le savoir, et que ces brĂšches sont fĂ©condes.
Ils viennent parler non pas de ce quâil faut croire, mais de ce quâil faut interroger :
âïž Bachelard, pour rĂ©enchanter le monde sans lâillusionner.
âïž Foucault, pour montrer comment le vrai peut devenir un outil de pouvoir.
đ Ricoeur, pour tisser du sens lĂ oĂč le silence fait rupture.
đ€ Popper, pour garder lâintelligence vigilante.
đ Freire, pour rendre la parole Ă ceux quâon a rendus muets.
đ§ Bronner, pour comprendre pourquoi lâon croit.
đ§ââïž Jung, pour Ă©couter les symboles, tout en gardant une main sur la lumiĂšre critique.
Un nouveau volume sâouvre. Dâautres cartes attendent. Le silence est prĂȘt.
Le feu nâa pas disparu. Il a changĂ© dâintensitĂ©. La nuit a changĂ© de visage.
Dâautres voix approchent. Moins rassurantes, plus engagĂ©es. Elles parlent dâinvisible, de savoirs oubliĂ©s, de murs Ă franchir.
Chaque carte du Tarot devient ici une fissure. Et chaque fissure, une lumiĂšre.
PĂ©dagogue brĂ©silien de la libĂ©ration â Philosophe de
lâĂ©ducation populaire
Il pense que lâĂ©ducation
doit libĂ©rer les consciences, pas les remplir. Chaque ĂȘtre humain
peut devenir sujet de son histoire.
Le feu a changĂ© de souffle. Il crĂ©pite doucement, comme un vieux conteur. Freire sâavance sans bruit, sans dĂ©cor. Il sâassied les paumes ouvertes. Il attend que la parole naisse.
PREM PRAGYAN : On me demande souvent quelle est ma mission. Comme si jâen avais une. Unique. Cosmique. PrĂ©vue.
FREIRE : La mission, câest ce que dâautres te donnent. La vocation, câest ce que tu construis avec les autres.
PREM PRAGYAN : Et si je ne sais pas quoi faire de ma vie ?
FREIRE : Alors câest un beau dĂ©but. Ne cherche pas le sens seul. Dialogue avec le monde. Laisse-le tâinterpeller.
â Carte tirĂ©e : « La mission de vie »
Croyance : âJe dois dĂ©couvrir ma mission pour me sentir aligné·e.â
PREM PRAGYAN : Cette carte me trouble. Et si je nâai pas de mission ?
FREIRE : Alors tu es libre. Tu peux désobéir à ton destin. Tu peux écrire un autre récit, avec les tiens.
PREM PRAGYAN : MĂȘme si je suis perdu ?
FREIRE : Tu es juste vivant. LâĂ©ducation nâest pas lĂ pour te dire quoi faire. Elle est lĂ pour tâaider Ă choisir avec les autres, pas contre toi-mĂȘme.
Le feu Ă©coute. Il approuve. Freire se lĂšve lentement. Il nâa rien imposĂ©. Il a ouvert un espace. Un souffle de conscience reste dans lâair. Comme une mission⊠sans mission.
Carte : « La mission de vie »
Personne
: Paulo Freire
Prem Pragyan : On me dit que jâai une mission.
Que je dois faire quelque chose de trĂšs important dans la vie. Mais
je ne sais pas quoi.
Freire : Tu nâas pas
besoin dâavoir une mission magique. Ce qui compte, câest ce que
tu construis avec les autres.
Prem Pragyan : Et
si je suis perdu ?
Freire : Tu nâes pas
perdu. Tu es en train de chercher. Tu peux créer ton propre chemin.
Message de la carte :
Tu nâas pas besoin
de connaĂźtre ta mission pour vivre. Tu peux choisir, essayer,
changer. Et câest trĂšs bien comme ça.
Philosophe de lâimaginaire et des Ă©lĂ©ments â PoĂšte
des sciences
Il pense que rĂȘver, câest dĂ©jĂ
comprendre. Lâimagination nous relie au monde autant que la raison.
Le feu sâĂ©largit. Il danse plus quâil ne chauffe. Une silhouette surgit comme dans un rĂȘve. Bachelard ne sâassied pas tout de suite. Il contemple la flamme, comme on regarde un mot qui hĂ©site.
PREM PRAGYAN : Cette carte me trouble. Elle me dit que lâunivers veut ce que je veux. Que mes dĂ©sirs sont des signes.
BACHELARD : Lâunivers nâest pas un miroir. Mais il est une matiĂšre Ă rĂȘve. Ce que tu veux, ce que tu espĂšres, crĂ©e un monde. Imaginer, câest dĂ©jĂ faire danser le rĂ©el.
PREM PRAGYAN : Alors, si mes désirs ne se réalisent pas ?
BACHELARD : Ils deviennent poésie. Une matiÚre intérieure. Tu ne les perds pas. Tu les transfigures.
â Carte tirĂ©e : « Lâunivers veut ce que je veux »
Croyance : âSi je dĂ©sire trĂšs fort, lâunivers me rĂ©pond.â
PREM PRAGYAN : Alors... est-ce que câest vrai ? Lâunivers mâĂ©coute ?
BACHELARD : Il tâĂ©coute comme un feu Ă©coute un poĂšme. Il ne rĂ©pond pas avec des faits, mais avec des images. Et parfois, câest encore plus beau.
PREM PRAGYAN : Donc ce nâest pas faux. Câest... autre.
BACHELARD : Câest un rĂȘve vrai. Un rĂȘve qui ne ment pas, mĂȘme sâil ne promet rien.
Le feu crĂ©pite doucement. Bachelard ne parle plus. Il respire avec la flamme. Comme si le feu lui-mĂȘme rĂȘvait Ă voix haute.
Carte : « Lâunivers veut ce que je veux »
Personne
: Gaston Bachelard
Prem Pragyan : Jâai tirĂ© une carte qui dit que
lâunivers veut ce que je veux. Est-ce que câest vrai ?
Bachelard
: Ce nâest peut-ĂȘtre pas vrai comme une rĂšgle. Mais câest vrai
dans ton cĆur. RĂȘver, câest une façon de transformer la
vie.
Prem Pragyan : Et si mon rĂȘve ne devient
pas vrai ?
Bachelard : Il peut devenir un
poĂšme, une idĂ©e, une force douce. Ce nâest pas perdu. Câest
transformé.
Message de la carte :
Tes désirs ne donnent
pas des ordres Ă lâunivers. Mais ils peuvent tâaider Ă crĂ©er,
Ă rĂȘver, Ă avancer autrement.
Philosophe du pouvoir, de la norme et des savoirs
Il
pense que derriÚre chaque vérité apparente se cache un rapport de
force. Il traque les formes invisibles de contrÎle déguisées en
évidence.
Le feu se replie sur lui-mĂȘme. Une lumiĂšre plus dure sâinstalle. Foucault arrive, sans bruit, mais avec une prĂ©sence dense. Il sâassied lĂ©gĂšrement en retrait. Il nâattend pas quâon lâĂ©coute. Il attend quâon questionne.
PREM PRAGYAN : Cette carte me dit que tout est juste. Que je dois accepter. Que tout a un sens caché.
FOUCAULT : Tout ce qui est dit comme âjusteâ est une construction. Une forme de pouvoir. Quand on te dit âtout est justeâ, on veut souvent tâempĂȘcher de protester.
PREM PRAGYAN : Mais si je remets tout en cause, est-ce que je ne détruis pas tout sens ?
FOUCAULT : Non. Tu ouvres des espaces. Tu dĂ©senfouies ce qui a Ă©tĂ© enseveli. Questionner, câest libĂ©rer des possibles.
â Carte tirĂ©e : « Tout est juste »
Croyance : âChaque Ă©preuve a forcĂ©ment un sens. Elle est lĂ pour mâenseigner quelque chose.â
PREM PRAGYAN : Et si certaines choses nâavaient aucun sens ?
FOUCAULT : Alors câest lĂ quâil faut ĂȘtre vigilant. Le non-sens est parfois plus vrai que les rĂ©cits confortables. Ne transforme pas ton malheur en morale. Analyse-le. DĂ©construis.
PREM PRAGYAN : Donc... je peux refuser ce qui mâarrive ?
FOUCAULT : Refuser nâest pas fuir. Câest rĂ©sister. Et parfois, câest guĂ©rir.
Le feu claque comme un fouet discret. Foucault se lĂšve. Il ne laisse pas de consolation, mais une luciditĂ© nue. Un savoir tranchant, comme une lumiĂšre qui nâattend pas dâĂȘtre crue.
Carte : « Tout est juste »
Personne
: Michel Foucault
Prem Pragyan : Une carte me dit que tout ce qui
mâarrive est juste. Est-ce que je dois toujours tout accepter
?
Foucault : Non. Parfois, ce quâon appelle
âjusteâ est une façon de faire taire. Tu peux rĂ©flĂ©chir, dire
non, et poser des questions.
Prem Pragyan :
MĂȘme si les autres trouvent que je dĂ©range ?
Foucault
: Oui. Penser, câest parfois dĂ©ranger. Câest ouvrir des chemins
que dâautres veulent cacher.
Message de la carte :
Tu as le droit de dire
non. Tout nâa pas un sens cachĂ©. Tu peux refuser, questionner, et
chercher un sens qui est le tien.
Philosophe du récit, de la mémoire et du sens
Il
pense que nous nous comprenons Ă travers les histoires que nous nous
racontons. Mais il faut les relire, les questionner, les nuancer.
Le feu est plus doux, presque intime. Ricoeur arrive comme un narrateur ancien. Il sâassied lentement. Il ne parle pas tout de suite. Il Ă©coute.
PREM PRAGYAN : On me dit que mon corps sait tout. Quâil me rĂ©vĂšle ce que je ne comprends pas. Que je dois lui faire confiance aveuglĂ©ment.
RICOEUR : Le corps parle, oui. Mais il parle dans un langage. Et tout langage demande une interprétation.
PREM PRAGYAN : Donc je ne dois pas croire mon corps ?
RICOEUR : Tu peux lâĂ©couter. Mais Ă©coute-le comme on Ă©coute un rĂ©cit : avec attention, avec prudence, avec la conscience que ce rĂ©cit peut changer.
â Carte tirĂ©e : « Le corps dit toujours vrai »
Croyance : âMon corps me rĂ©vĂšle la vĂ©ritĂ© que je ne peux pas comprendre autrement.â
PREM PRAGYAN : Et si mon corps me dit quelque chose qui me fait peur ? Qui mâenferme ?
RICOEUR : Alors cherche lâhistoire derriĂšre la sensation. Le sens ne se trouve pas, il se construit. Et il se transforme avec toi.
PREM PRAGYAN : Et si je ne comprends pas ce quâil veut dire ?
RICOEUR : Sois patient. Sois humble. Parfois, il faut du temps pour que les signes deviennent des sens. Et parfois, câest en racontant autrement que le corps se calme.
Le feu sâest fait confident. Ricoeur se lĂšve. Il ne donne pas de message, mais un fil. Un fil de rĂ©cit, pour ne pas se perdre dans les sensations.
Carte : « Le corps dit toujours vrai »
Personne
: Paul Ricoeur
Prem Pragyan : On dit que mon corps dit toujours
la vérité. Mais parfois, je ne sais pas quoi en faire. Ou ça me
fait peur.
Ricoeur : Ton corps parle, oui. Mais
il ne donne pas toujours la vĂ©ritĂ© directement. Il faut lâĂ©couter
comme une histoire : doucement, avec le temps.
Prem
Pragyan : Et si je ne comprends pas ?
Ricoeur
: Tu peux essayer de mettre des mots. DâĂ©crire. De parler avec
dâautres. Le sens vient petit Ă petit.
Message de la carte :
Ton corps te parle.
Mais ce quâil dit peut changer. Ce nâest pas une vĂ©ritĂ©
automatique. Tu peux chercher un sens, doucement, sans te forcer.
Philosophe des sciences â DĂ©fenseur du doute critique
et de la falsifiabilité
Il pense quâune idĂ©e
nâa de valeur scientifique que si elle peut ĂȘtre rĂ©futĂ©e. Il
nous apprend Ă distinguer croyance, connaissance, et illusion
invérifiable.
Le feu est stable, rigoureux. Il ne danse pas, il veille. Popper sâavance droit, comme sâil venait examiner une hypothĂšse. Il regarde la carte entre les mains de Prem Pragyan, non pour la juger, mais pour la tester.
PREM PRAGYAN : Cette carte dit que jâai manifestĂ© ce qui mâest arrivĂ©. Que mes pensĂ©es ont créé ma rĂ©alitĂ©.
POPPER : Câest une pensĂ©e sĂ©duisante. Mais comment savoir si elle est fausse ? Peux-tu prouver quâelle se trompe ?
PREM PRAGYAN : Non⊠si jây crois, tout ce qui arrive semble la confirmer.
POPPER : Alors ce nâest pas une thĂ©orie. Câest un cercle. Et tout cercle fermĂ© est un piĂšge pour la pensĂ©e.
â Carte tirĂ©e 1 : « Je lâai manifestĂ© »
Croyance : âMes pensĂ©es crĂ©ent directement ce qui mâarrive.â
PREM PRAGYAN : Mais si je me sens mieux en croyant cela ?
POPPER : Alors elle te rĂ©conforte, mais ce nâest pas une vĂ©ritĂ©. La science nâa pas Ă te rassurer. Elle doit tâouvrir Ă lâincertitude.
Prem Pragyan tire une deuxiÚme carte. Le feu grésille doucement, comme un test de laboratoire en veille.
PREM PRAGYAN : Et cette autre carte dit que tout est Ă©nergie. Que tout peut ĂȘtre guĂ©ri ainsi.
POPPER : Si tout est Ă©nergie, tout est possible. Et si tout est possible, alors rien nâest vĂ©rifiable. Et ce qui nâest pas vĂ©rifiable... ne peut pas ĂȘtre remis en cause.
PREM PRAGYAN : Donc ce nâest plus de la science.
POPPER : Câest une croyance. Peut-ĂȘtre utile, peut-ĂȘtre belle. Mais pas testable. Et ce que lâon ne peut pas tester ne peut pas ĂȘtre amĂ©liorĂ©.
â Carte tirĂ©e 2 : « Tout est Ă©nergie, donc tout est guĂ©rissable »
Croyance : âTout peut ĂȘtre guĂ©ri par lâĂ©nergie car tout est Ă©nergie.â
PREM PRAGYAN : Alors comment croire sans me tromper ?
POPPER : Doute. Toujours. Et surtout de ce qui te fait trop plaisir Ă croire.
Le feu sâĂ©teint doucement, comme sâil avait accompli une expĂ©rience. Popper ne laisse pas de message, mais un cadre. Une exigence douce, un appel Ă toujours pouvoir dire : « Et si jâavais tort ? »
Cartes : « Je lâai manifestĂ© » + « Tout est Ă©nergie,
donc tout est guérissable »
Personne : Karl
Popper
Prem Pragyan : Une carte me dit que jâai créé
ce qui mâarrive avec mes pensĂ©es. Et une autre dit que tout est
Ă©nergie, donc tout peut se guĂ©rir avec lâĂ©nergie.
Popper
: Ce sont de belles idĂ©es. Mais on ne peut pas prouver quâelles
sont fausses. Et si on ne peut jamais les tester, ce ne sont pas des
idées scientifiques.
Prem Pragyan : Et si
elles me rassurent ?
Popper : Elles peuvent
ĂȘtre utiles, mais il faut les appeler des croyances. Et garder le
droit dâen douter. Câest comme ça quâon avance.
Message des cartes :
Ce qui ne peut jamais
ĂȘtre mis Ă lâĂ©preuve peut devenir un piĂšge. Tu as le droit de
rĂȘver, mais tu as aussi le droit de douter de tes rĂȘves.
Le feu ne sâĂ©teint pas. Il change de cercle.
Un silence sâinstalle. Non pas dâignorance, mais de germination.
Dâautres voix attendent. Dâautres cartes vibrent. Elles parlent dâillusion collective, de transmission altĂ©rĂ©e, de croyances bien habillĂ©es. Elles approchent, doucement, prĂȘtes Ă Ă©clore.
Le feu sâest fait braise. Moins visible. Plus profond.
Les cartes sont plus lourdes, les voix plus risquĂ©es. Mais toujours, un souffle cherche lâissue.
Ici, on ne cherche plus Ă croire. On cherche Ă comprendre ce qui, en nous, veut croire Ă tout prix.
Sociologue français des croyances, des biais cognitifs et
des marchĂ©s de lâinformation
Il étudie comment
nos cerveaux cherchent du sens lĂ oĂč il nây en a pas toujours. Il
analyse les illusions collectives et les piĂšges mentaux de notre
époque.
Le feu est bas. Presque invisible. Une lumiÚre bleue, comme un écran. Bronner arrive sans bruit. Il regarde autour de lui, puis fixe la carte que Prem Pragyan tient dans ses mains. Il ne sourit pas. Il attend que la pensée commence.
PREM PRAGYAN : Cette carte me dit que si des choses reviennent souvent dans ma vie, câest un signe. Une synchronicitĂ©. Une rĂ©ponse de lâunivers.
BRONNER : Câest une idĂ©e ancienne. Et trĂšs humaine. Mais il faut se mĂ©fier de ce que ton cerveau aime croire.
PREM PRAGYAN : Tu veux dire que je me trompe ?
BRONNER : Je dis que ton cerveau cherche du sens, mĂȘme quand il nây en a pas. Câest une machine Ă lier, pas toujours Ă comprendre.
â Carte tirĂ©e : « Les signes de lâunivers »
Croyance : âLâunivers mâenvoie des signes Ă travers les coĂŻncidences.â
PREM PRAGYAN : Mais si je vois un mĂȘme symbole trois fois dans la journĂ©e⊠ce nâest pas un hasard ?
BRONNER : Ce nâest pas un complot non plus. Câest peut-ĂȘtre juste que tu y fais plus attention. Ce quâon appelle le biais de saillance. Tu vois ce que tu veux voir, ou ce que tu as dĂ©jĂ remarquĂ©.
PREM PRAGYAN : Et si ça mâaide ? Si ça me fait du bien dây croire ?
BRONNER : Alors reconnais que ce nâest pas une preuve, mais un choix de lecture. Et ce choix nâest pas neutre. Il peut tâĂ©clairer, ou tâenfermer.
Le feu sâest Ă peine agitĂ©. Bronner nâest pas venu rĂ©chauffer, mais clarifier. Il parle comme un miroir sans tain. Il salue sans bruit, laissant derriĂšre lui une consigne : « Garde ton esprit disponible, mais pas naĂŻf. »
Carte : « Les signes de lâunivers »
Personne
: Gérald Bronner
Prem Pragyan : Jâai tirĂ© une carte qui dit que
lâunivers mâenvoie des signes. Comme des messages cachĂ©s.
Bronner
: Câest normal dây croire. Mais ton cerveau cherche souvent des
liens mĂȘme sâils nâexistent pas. Ce nâest pas lâunivers qui
parle, câest ta tĂȘte qui trie les infos.
Prem Pragyan
: Mais si ça me fait du bien ?
Bronner : Alors
tu peux y croire. Mais ce nâest pas une preuve. Câest une façon
de voir les choses. Tu peux aussi en choisir une autre.
Message de la carte :
Ce nâest pas parce
quâun symbole revient quâil a un sens cachĂ©. Tu peux Ă©couter,
observer⊠mais sans te laisser piéger par ton envie de croire.
Psychiatre suisse â Fondateur de la psychologie
analytique
Il pense que nous portons en nous des
symboles universels, et que la relation Ă lâautre est un miroir de
notre propre inconscient.
Le feu vibre comme un rĂȘve. Des images apparaissent dans lâombre : un miroir, deux visages, un papillon. Jung marche lentement. Il pose sa main sur la carte. Il ne lâexplique pas. Il la ressent.
PREM PRAGYAN : Cette carte parle des flammes jumelles. Dâune Ăąme sĆur parfaite, destinĂ©e. Dâun amour mystique.
JUNG : Ce nâest pas une personne. Câest une projection. Une image de ton Ăąme que tu vois en lâautre.
PREM PRAGYAN : Mais si je ressens un lien si fort, si profond ?
JUNG : Alors câest un miroir trĂšs puissant. Et tout miroir peut tâaveugler ou tâĂ©veiller. Cela dĂ©pend de ce que tu en fais.
â Carte tirĂ©e : « Les flammes jumelles »
Croyance : âIl existe une personne unique, cosmique, qui me complĂšte parfaitement.â
PREM PRAGYAN : Et si je perds cette personne ? Est-ce que je rate ma mission dâĂąme ?
JUNG : Tu ne perds rien. Tu perds un symbole. Et peut-ĂȘtre quâen le perdant, tu retrouves une partie de toi.
PREM PRAGYAN : Alors⊠lâamour est une voie dâindividuation ?
JUNG : Exactement. Aimer vraiment, ce nâest pas chercher sa moitiĂ©. Câest rencontrer son propre inconnu, Ă travers lâautre.
Le feu devient alchimique. Il ne brûle pas, il transforme. Jung reste un instant. Il ne donne pas de réponses. Seulement des signes à interpréter. Et un conseil silencieux : ne crois pas trop vite ce que tu ressens. Traverse-le.
Carte : « Les flammes jumelles »
Personne
: Carl Gustav Jung
Prem Pragyan : On dit quâil existe une personne
unique, mon Ăąme jumelle. Est-ce vrai ?
Jung :
Câest une idĂ©e symbolique. Pas une vĂ©ritĂ©. Tu projettes une
image de toi sur lâautre. Câest une façon de te chercher, pas de
trouver quelquâun dâextĂ©rieur.
Prem Pragyan
: Et si je crois lâavoir trouvĂ©e ?
Jung :
Alors regarde ce que cela rĂ©veille en toi. Peut-ĂȘtre que cette
rencontre tâaide Ă grandir. Mais ne crois pas quâelle est
magique ou cosmique. Ce nâest quâun miroir.
Message de la carte :
Tu ne dois pas
chercher quelquâun pour te complĂ©ter. Tu peux apprendre Ă te
connaĂźtre Ă travers les relations. Lâautre nâest pas ton destin
: câest une traversĂ©e.
SĂ©miologue et critique du langage â Penseur des mythes
modernes
Il pense que les mots, les images, les
rĂ©cits du quotidien peuvent devenir des âmythesâ. Des croyances
dĂ©guisĂ©es. Il dĂ©chiffre ce que le langage cache derriĂšre ce quâil
montre.
Le feu sâest affinĂ©. Il Ă©claire moins quâil ne souligne. Une silhouette discrĂšte approche. Barthes regarde la carte comme on lirait une page dĂ©jĂ annotĂ©e. Il ne parle pas tout de suite. Il attend que le sens glisse.
PREM PRAGYAN : Cette carte me dit que si je souffre, câest mon karma. Une dette passĂ©e. Une Ă©preuve que jâai mĂ©ritĂ©e.
BARTHES : Câest un mythe. Une fable. Non pas parce quâelle est fausse, mais parce quâelle organise ton malheur en rĂ©cit acceptable.
PREM PRAGYAN : Mais ça mâaide. Je me dis que câest juste. Que câest pour Ă©voluer.
BARTHES : Et câest prĂ©cisĂ©ment lĂ que le mythe agit. Il te donne une cause lĂ oĂč il nây en a peut-ĂȘtre pas. Il tâinvite Ă lire la douleur comme une morale.
â Carte tirĂ©e : « Câest mon karma »
Croyance : âTout ce qui mâarrive est liĂ© Ă une faute passĂ©e que je dois rĂ©parer.â
PREM PRAGYAN : Tu veux dire que ce nâest pas vrai ?
BARTHES : Je veux dire que ce nâest pas neutre. Le mot âkarmaâ dĂ©pouille la douleur de son contexte. Il la transforme en destin. Câest une opĂ©ration langagiĂšre, pas une vĂ©ritĂ©.
PREM PRAGYAN : Et si ça me donne de la force ?
BARTHES : Alors regarde ce que cette force Ă©crase en toi. La pensĂ©e critique ? Le doute ? La rĂ©volte ? Parfois, il faut laisser les mots se fissurer pour que dâautres vĂ©ritĂ©s passent.
Le feu souligne une phrase invisible. Barthes sâĂ©loigne comme une marge sâefface. Il ne laisse pas de vĂ©ritĂ©. Il laisse une luciditĂ© douce sur les mots quâon emploie sans les voir.
Carte : « Câest mon karma »
Personne
: Roland Barthes
Prem Pragyan : On me dit que si je souffre, câest
parce que je lâai mĂ©ritĂ©. Câest mon karma.
Barthes
: Ce mot peut te faire du bien. Mais il transforme la souffrance en
punition. Et ce nâest pas toujours juste.
Prem Pragyan
: Tu veux dire que ce nâest pas vrai ?
Barthes
: Je dis que câest une histoire quâon raconte. Une histoire qui
peut cacher les vraies causes de ta douleur.
Message de la carte :
Tu peux chercher un
sens à ce que tu vis. Mais ne laisse pas les mots décider à ta
place. Le âkarmaâ nâest pas une loi : câest une façon de
voir. Tu peux aussi en choisir une autre.
Philosophe politique â Penseuse de la libertĂ©, de la
responsabilité, et du mal ordinaire
Elle pense que
penser par soi-mĂȘme est un acte de rĂ©sistance. Que cĂ©der sa
conscience Ă une autoritĂ©, mĂȘme douce, peut mener au pire. Elle
parle de la nĂ©cessitĂ© de juger, mĂȘme sans certitude.
Le feu est sobre. Il ne danse pas. Il Ă©claire juste. Arendt sâapproche comme une prĂ©sence droite, sans dĂ©tour. Elle regarde la carte. Elle ne la commente pas. Elle regarde Prem Pragyan. Elle attend une question, pas une croyance.
PREM PRAGYAN : Cette carte parle du thĂ©rapeute. Celui qui sait. Celui qui me guide. Je lui fais confiance. Il mâouvre les yeux.
ARENDT : Il tâouvre les yeux⊠ou il te les ferme, doucement. En pensant pour toi.
PREM PRAGYAN : Mais jâai besoin dâun guide. Je ne sais pas toujours quoi faire.
ARENDT : Avoir besoin nâest pas dangereux. Câest abandonner son jugement qui lâest. Penser, câest rester capable de dire non. MĂȘme Ă celui qui veut ton bien.
â Carte tirĂ©e : « Le thĂ©rapeute qui sait »
Croyance : âQuelquâun sait mieux que moi ce qui est bon pour moi.â
PREM PRAGYAN : Et si je me trompe tout seul ? Et que lui a raison ?
ARENDT : Se tromper librement est parfois plus sain que dâavoir raison en obĂ©issant. Tu nâas pas besoin dâavoir toujours raison. Tu as besoin de rester capable de penser.
PREM PRAGYAN : Donc je dois douter de mon thérapeute ?
ARENDT : Non. Tu dois pouvoir douter. Câest ça, la libertĂ© intĂ©rieure.
Le feu veille. Arendt se lĂšve. Elle ne donne ni mĂ©thode, ni conseil. Elle redonne la responsabilitĂ©. Et ce geste est peut-ĂȘtre le plus thĂ©rapeutique de tous.
Carte : « Le thérapeute qui sait »
Personne
: Hannah Arendt
Prem Pragyan : Cette carte me dit que mon
thérapeute sait mieux que moi ce que je dois faire. Que je dois lui
faire confiance.
Arendt : Tu peux écouter.
Mais tu ne dois jamais laisser quelquâun penser Ă ta place. MĂȘme
sâil est gentil. MĂȘme sâil est savant.
Prem Pragyan
: Et si je me trompe ?
Arendt : Tu as le droit
de te tromper. Mais tu dois rester libre de penser. Sinon, tu deviens
dépendant.
Message de la carte :
Aucun maĂźtre, aucun
thĂ©rapeute ne doit penser Ă ta place. Tu peux ĂȘtre guidĂ©, mais
pas dirigĂ©. Le doute est parfois plus juste que lâobĂ©issance.
Philosophe critique des institutions â Penseur de la
sobriété et de la liberté conviviale
Il pense
que les systĂšmes modernes, mĂȘme ceux qui prĂ©tendent aider,
finissent souvent par dĂ©possĂ©der les gens dâeux-mĂȘmes. Il dĂ©fend
une autonomie simple, une médecine modeste, une spiritualité libre
de toute promesse.
Le feu est calme. Une braise lente, sans promesse. Illich sâapproche Ă pied nu. Il nâa rien Ă vendre, rien Ă guĂ©rir. Il regarde la carte, puis lĂšve les yeux vers Prem Pragyan. Il attend une question qui vient du corps.
PREM PRAGYAN : Cette carte dit que tout est Ă©nergie. Et que donc, tout peut ĂȘtre guĂ©ri.
ILLICH : Ce genre de promesse est plus dangereux quâil nây paraĂźt. Elle confond le mystĂšre de la vie avec une offre de bien-ĂȘtre.
PREM PRAGYAN : Mais si on peut guĂ©rir par lâĂ©nergie, pourquoi ne pas le faire ?
ILLICH : Parce que vouloir tout guĂ©rir, câest refuser la limite. Et parfois, câest dans la limite quâon devient vraiment humain.
â Carte tirĂ©e : « Tout est Ă©nergie, donc tout est guĂ©rissable »
Croyance : âPuisque tout est Ă©nergie, toute douleur peut ĂȘtre soignĂ©e par lâĂ©nergie.â
PREM PRAGYAN : Mais si je souffre ? Si je veux aller mieux ?
ILLICH : Bien sĂ»r que tu veux aller mieux. Mais la vraie question est : Ă quel prix ? Et : Ă qui donnes-tu ton pouvoir de dĂ©cider ce qui est âmieuxâ ?
PREM PRAGYAN : Donc je dois accepter ma souffrance ?
ILLICH : Non. Tu dois lâĂ©couter. Pas la fuir. Pas la nier. Pas la transformer en produit. GuĂ©rir, parfois, câest ne pas fuir ce qui ne se soigne pas.
Le feu ne guĂ©rit rien. Il Ă©claire. Illich sâĂ©loigne sans bruit. Il laisse derriĂšre lui un silence utile, une libertĂ© sans promesse, une invitation Ă lâĂ©coute nue.
Carte : « Tout est énergie, donc tout est guérissable
»
Personne : Ivan Illich
Prem Pragyan : Une carte dit que tout peut se
guĂ©rir avec lâĂ©nergie. Est-ce vrai ?
Illich
: Ce nâest pas aussi simple. Croire quâon peut tout guĂ©rir,
câest vouloir tout contrĂŽler. Et parfois, on ne peut pas. Et câest
normal.
Prem Pragyan : Mais je veux aller
mieux.
Illich : Tu peux vouloir ça. Mais ne
crois pas que tout doit disparaĂźtre. Parfois, accepter une douleur,
câest dĂ©jĂ guĂ©rir autrement.
Message de la carte :
Tu nâas pas Ă tout
guérir. Tu peux écouter. Tu peux vivre avec. Chercher du mieux,
sans croire que tout peut disparaĂźtre comme par magie.
Le feu ne console plus. Il Ă©claire doucement ce quâil faut traverser.
Le silence nâest plus vide : il est chargĂ© de discernement, dâĂ©thique, de limites assumĂ©es.
Le quatriĂšme cercle sâouvrira avec dâautres voix. Moins sages, plus provocantes. Des voix qui renversent, qui dĂ©capent, qui rient ou qui fendent le langage.
Le feu est traversé. Il ne réchauffe plus, il transperce.
Ce cercle nâest pas appelĂ©. Il sâimpose.
Ici, les certitudes entrent sans prévenir. Et parfois, il faut les recevoir pour mieux les voir repartir.
Figures imposĂ©es â psychanalyse en mission spontanĂ©e
Le feu clignote, comme perturbĂ©. Deux silhouettes surgissent sans ĂȘtre invitĂ©es. Freud ajuste son veston. Lacan parle dĂ©jĂ . Aucun ne demande la permission. Ils interprĂštent avant dâĂ©couter.
FREUD : Ce feu est un symbole clair de pulsion libidinale non rĂ©solue. Et ce jeu⊠un rĂȘve collectif dâautoguĂ©rison ratĂ©e.
LACAN : Vous croyez jouer, mais câest le signifiant qui vous joue. Toute carte est un leurre. Sauf la mienne.
PREM PRAGYAN (perplexe) : Messieurs⊠je nâai pas encore tirĂ© de carte.
FREUD : Vous nâavez pas besoin. Le choix inconscient est dĂ©jĂ fait.
LACAN : Et le désir, lui, se cache dans ce que vous ne tirez pas.
â Carte dĂ©tournĂ©e : « Le corps dit toujours vrai »
Croyance : âMon corps me rĂ©vĂšle toujours la vĂ©ritĂ©.â
PREM PRAGYAN : Et si mon corps mâenvoie un message simple ?
FREUD : Câest un symptĂŽme. Un retour du refoulĂ©. Rien nâest jamais simple.
LACAN : Ce que vous croyez lire dans le corps est une Ă©criture de lâAutre. Une jouissance masquĂ©e. Vous ĂȘtes dĂ©jĂ piĂ©gĂ©.
Le feu frémit. Puis soudain, une carte tombe du ciel : « Le doute du doute ». Freud la regarde de travers. Lacan rit. Prem Pragyan la ramasse, calmement.
PREM PRAGYAN : Et si, ce soir, je choisissais⊠de ne pas vous croire ?
FREUD : Résistance. Classique.
LACAN : Fascinant. Vous venez dâĂ©noncer un signifiant-maĂźtre.
Ils disparaissent comme ils sont venus. Une odeur de cigare reste. Et un silence plein de soulagement. Le jeu reprend.
Cartes : « Le corps dit toujours vrai » + « Le doute du
doute »
Personnages : Freud et Lacan (pas
vraiment invités)
Prem Pragyan : Freud et Lacan sont arrivés sans
quâon les appelle. Ils ont dit que tout ce que je ressens vient de
mon inconscient, ou dâun langage cachĂ©.
Moi
: Jâai choisi de ne pas tout croire. Parce que parfois, le doute
est plus sain que les explications compliquées.
Message de la carte :
Tu peux écouter ton
corps, ton esprit, et mĂȘme des experts. Mais tu as le droit de ne
pas tout croire. MĂȘme quand câest dit avec des mots savants.
Philosophe cynique â penseur de la libertĂ© radicale, du
rire décapant et du refus des faux besoins
Il
vivait dans un tonneau, aboyait contre les conventions, riait des
sages et pissait sur les dogmes. Il ne voulait ni confort, ni
flatterie. Seulement la vérité nue.
Le feu crĂ©pite doucement. Une silhouette arrive pieds nus, tenant une lanterne en plein jour. Il ne salue pas. Il sâassoit sur une pierre, grignote une olive, puis crache Ă cĂŽtĂ© du feu, sans gĂȘne.
PREM PRAGYAN : Cette carte parle de médecine quantique. Une énergie qui soigne tout. Par vibration. Par intention.
DIOGĂNE : Tu veux soigner quoi ? Ton ignorance ? Ta peur de mourir ? Ton portefeuille vidĂ© par un druide bien coiffĂ© ?
PREM PRAGYAN : Câest une mĂ©decine douce. Elle me parle. Elle soigne autrement.
DIOGĂNE : Elle parle surtout Ă ta crĂ©dulitĂ©. Tout ce qui brille en grec ne vient pas dâHippocrate. Ne confonds pas le mystĂšre avec le marketing.
â Carte tirĂ©e : « La mĂ©decine quantique »
Croyance : âCette mĂ©decine dâĂ©nergie subtile agit au niveau quantique. Elle soigne mĂȘme ce que la science ignore.â
PREM PRAGYAN : Mais si je ressens quelque chose ? Si ça marche pour moi ?
DIOGĂNE : Alors peut-ĂȘtre que ton besoin dây croire est plus fort que ton mal. Et parfois, câest dĂ©jĂ un soulagement. Mais ne mens pas : ce nâest pas de la science, câest une incantation.
PREM PRAGYAN : Et si jâai envie dây croire quand mĂȘme ?
DIOGĂNE : Crois, si tu veux. Mais garde ton rire Ă portĂ©e de main. Et ton esprit aussi. Ou tu finiras Ă vendre des cristaux pour soigner la mĂ©tĂ©o.
Le feu rit doucement. DiogĂšne se lĂšve, renifle le ciel, puis sâĂ©loigne avec sa lanterne toujours allumĂ©e. Il ne cherche rien. Il Ă©claire les autres malgrĂ© eux. Et sâil revient, ce sera pour pisser sur un autre mythe.
Carte : « La médecine quantique »
Personne
: DiogĂšne
Prem Pragyan : Jâai tirĂ© une carte qui parle
de mĂ©decine quantique. Une Ă©nergie qui soigne tout, mĂȘme Ă
distance.
DiogĂšne : Ce nâest pas une vraie
mĂ©decine. Câest une histoire qui rassure. Peut-ĂȘtre que ça te
fait du bien. Mais attention aux fausses promesses.
Prem
Pragyan : Et si je veux y croire ?
DiogĂšne
: Tu peux. Mais ne dis pas que câest scientifique. Câest une
croyance. Et câest Ă toi dâen rester libre.
Message de la carte :
Certaines choses font
du bien sans ĂȘtre vraies. Ce nâest pas grave. Mais il vaut mieux
le savoir. Garde ton esprit critique⊠et ton humour.
Philosophe rationaliste â penseur de la nĂ©cessitĂ©, de
la joie, de la liberté par la connaissance
Il ne
croyait pas en un Dieu personnel mais en un ordre divin dans la
nature. Il pensait que comprendre les causes du monde libĂšre de la
peur et des illusions.
Le feu est paisible. Il ne danse pas, il respire. Spinoza arrive en silence, presque transparent. Il ne cherche ni spectacle ni adhĂ©sion. Il sâassoit comme on pose un livre. Puis regarde la carte, simplement.
PREM PRAGYAN : Cette carte parle dâune croyance oubliĂ©e. Dâune chose que jâai laissĂ©e tomber. Peut-ĂȘtre trop vite.
SPINOZA : Il nây a pas de faute Ă oublier. Il y a des chemins qui sâĂ©loignent, et dâautres qui se construisent. Ce que tu as quittĂ© tâa aussi conduit ici.
PREM PRAGYAN : Mais si jâai jetĂ© trop tĂŽt une croyance utile ? Si je suis allĂ© trop loin dans le doute ?
SPINOZA : Le doute nâest pas un gouffre. Câest une lumiĂšre. Tu ne dois pas revenir en arriĂšre, mais comprendre ce que tu as quittĂ©, et pourquoi.
â Carte tirĂ©e : « La croyance oubliĂ©e »
Croyance : âIl y a une idĂ©e, une foi, une image que jâai laissĂ©e, mais qui me manque.â
PREM PRAGYAN : Tu veux dire que cette croyance a encore une place ?
SPINOZA : Pas en tant que vĂ©ritĂ©. Peut-ĂȘtre en tant que affect. Une Ă©motion ancienne, une trace dans ton ĂȘtre. Elle nâa pas besoin dâĂȘtre relogĂ©e, mais dâĂȘtre regardĂ©e avec tendresse.
PREM PRAGYAN : Donc je peux lui dire merci⊠et ne pas y revenir ?
SPINOZA : Exactement. La libertĂ© nâest pas de rejeter, mais de comprendre. Et la joie nâest pas de croire Ă nouveau, mais de ne plus avoir besoin de croire.
Le feu devient clair, comme un miroir dâeau. Spinoza sâincline. Il ne donne pas de formule. Il laisse respirer une forme de paix nue. La paix du rĂ©el quand il nâa plus besoin de costume.
Carte : « La croyance oubliée »
Personne
: Spinoza
Prem Pragyan : Une carte me dit que jâai laissĂ©
une croyance derriĂšre moi. Et quâelle me manque peut-ĂȘtre.
Spinoza
: Ce nâest pas grave dâavoir changĂ©. Tu peux comprendre ce que
cette croyance tâapportait. Et avancer sans elle.
Prem
Pragyan : Et si je veux la garder un peu ?
Spinoza
: Tu peux. Mais sans tây enfermer. Comprendre ce quâon a quittĂ©,
câest aussi grandir.
Message de la carte :
Tu nâas pas besoin
de revenir Ă une ancienne croyance. Tu peux la regarder avec
tendresse. Et continuer librement ton chemin.
ThĂ©oricien de la culture â penseur du capitalisme
dĂ©pressif et des impasses de lââĂ©veilâ individuel
Il
pense que beaucoup de nos souffrances sont politiques avant dâĂȘtre
personnelles. Il critique lâillusion que lâon peut se âlibĂ©rerâ
seul, sans toucher aux structures sociales.
Le feu vacille, comme sâil doutait de lui-mĂȘme. Mark Fisher approche doucement, les poches pleines dâombres lucides. Il ne parle pas tout de suite. Il observe. Puis, il pose la main sur la carte.
PREM PRAGYAN : Cette carte dit que je suis Ă©veillé·e. Que jâai compris ce que les autres ignorent. Que je vois enfin clair.
FISHER : Lâillusion de lâĂ©veil personnel est le meilleur outil du capitalisme spirituel. Tu crois ĂȘtre libre⊠pendant que tout continue sans toi.
PREM PRAGYAN : Mais je ressens vraiment quelque chose. Une clarté, une sortie du brouillard.
FISHER : Câest une Ă©tape. Pas une fin. Et surtout pas une supĂ©rioritĂ©. DĂšs que tu te sens âau-dessusâ, demande-toi : quâest-ce que je ne veux plus voir ?
â Carte tirĂ©e : « Je suis Ă©veillé·e »
Croyance : âJâai compris ce que les autres ne voient pas. Je suis libĂ©ré·e.â
PREM PRAGYAN : Tu veux dire que lâĂ©veil est une illusion ?
FISHER : LâĂ©veil devient une prison dĂšs quâil tâisole. Il te donne lâimpression de flotter au-dessus. Mais en rĂ©alitĂ©, il peut tâĂ©loigner de la solidaritĂ©, de la lutte, du monde rĂ©el.
PREM PRAGYAN : Alors que faire ?
FISHER : Redescendre. Voir dâoĂč vient la souffrance. Ne pas la spiritualiser trop vite. Parfois, câest la sociĂ©tĂ© qui dysfonctionne. Et tu nâas pas Ă tâadapter seul·e.
Le feu sâĂ©teint presque. Mark Fisher sâĂ©loigne dans un silence plein dâalerte. Il ne parle pas dâespoir. Il parle dâattention. Et ça, parfois, câest plus prĂ©cieux que toute lumiĂšre.
Carte : « Je suis éveillé·e »
Personne
: Mark Fisher
Prem Pragyan : Cette carte dit que je suis
éveillé·e. Que je vois ce que les autres ne voient pas.
Fisher
: Ce sentiment peut te faire du bien. Mais attention Ă ne pas croire
que tu es supĂ©rieur·e. Parfois, câest juste une autre forme
dâisolement.
Prem Pragyan : Et si je veux
quand mĂȘme avancer seul·e ?
Fisher : Tu peux.
Mais souviens-toi que beaucoup de souffrances viennent du monde, pas
de toi. On peut aussi changer les choses ensemble.
Message de la carte :
LâĂ©veil ne te rend
pas meilleur·e que les autres. Il peut tâaider Ă voir. Mais il ne
doit pas tâisoler. Lâintelligence est aussi collective.
Humoriste, chroniqueur, styliste du verbe et poĂšte de la
moquerie lucide
Il rit de tout, surtout des
prĂ©tentions humaines. Il manie lâabsurde comme une vĂ©ritĂ©
tranchante. Il croit au doute, pas aux dogmes, surtout quand ils sont
déguisés en bienveillance.
Le feu clignote. Puis ricane. Desproges surgit sans prĂ©venir, un verre de vin rouge dans une main, un dictionnaire dans lâautre. Il regarde la carte, et souffle un âAhâŠâ presque affectueux.
PREM PRAGYAN : Cette carte me dit que certaines personnes vibrent trop bas. Quâelles me tirent vers le bas. Que je dois mâĂ©lever.
DESPROGES : Ăvidemment. Et moi, je sens que ta vibration me donne envie dâune soupe Ă lâego. Moins salĂ©e.
PREM PRAGYAN : Mais je cherche la paix. Lâharmonie.
DESPROGES : TrĂšs noble. Mais lâharmonie qui exclut les gens qui te dĂ©rangent, câest de la paix marketing. Du dĂ©veloppement personnel Ă usage dĂ©fensif.
â Carte tirĂ©e : « Tu vibres trop bas pour moi »
Croyance : âCertaines personnes sont toxiques car elles ont une vibration basse. Je dois mâen Ă©loigner pour mâĂ©lever.â
PREM PRAGYAN : Mais il y a bien des gens qui mâĂ©puisent ?
DESPROGES : Ăvidemment. Mais dis âje suis fatigué·eâ, pas âtu vibres trop basâ. Câest plus humble. Et moins prĂ©tentieux, tu vois ?
PREM PRAGYAN : Tu veux dire que cette carte est une forme dâarrogance spirituelle ?
DESPROGES : Disons que câest un snobisme cosmique. Le genre de phrase quâon Ă©crit en violet sur Instagram, avec un bol tibĂ©tain en story.
Le feu Ă©clate de rire. Pas moqueur. LibĂ©rateur. Desproges lĂšve son verre, fait un clin dâĆil Ă Prem Pragyan, et sâĂ©clipse dans une pirouette, laissant derriĂšre lui une phrase : « On peut rire de tout, surtout de soi-mĂȘme. »
Carte : « Tu vibres trop bas pour moi »
Personne
: Pierre Desproges
Prem Pragyan : Cette carte me dit que certaines
personnes sont trop nĂ©gatives. Que je dois mâen Ă©loigner pour
rester en paix.
Desproges : Tu peux tâĂ©loigner.
Mais attention aux mots que tu choisis. Dire âtu vibres trop basâ,
câest un peu mĂ©prisant.
Prem Pragyan : Alors
je dis quoi ?
Desproges : Dis simplement ce que
tu ressens. Sans juger lâautre. Câest plus honnĂȘte.
Message de la carte :
Tu peux poser tes
limites. Mais sans penser que tu vaux mieux que les autres. Le vrai
respect, câest de dire âjeâ plutĂŽt que âtu vibresâ.
On croyait rire des autres. On sâest surpris Ă sourire de soi-mĂȘme.
Ce cercle a laissé entrer la ruse, le trouble, la voix qui pique et celle qui chatouille.
La flamme est devenue flĂšche. Et le silence, un terrain dâirrĂ©vĂ©rence douce.
Le cinquiĂšme cercle sâouvrira dans un souffle plus intime. Moins frontal. Plus incarnĂ©. On y parlera de traversĂ©es, de prĂ©sence nue, et dâun feu qui ne demande plus rien.
Ce cercle nâĂ©lĂšve pas. Il descend au centre.
Il ne tranche pas. Il écoute.
Il ne juge pas. Il traverse.
Mystique incarnĂ©e â PrĂ©sence lucide au cĆur de la
douleur
Elle a écrit, prié, aimé et veillé dans
lâenfer dâAuschwitz. Elle nâa jamais fui la douleur du monde,
mais lâa traversĂ©e avec prĂ©sence, humilitĂ©, et une foi sans
dogme.
Le feu ne crĂ©pite pas. Il respire. Ă peine. Une brise lĂ©gĂšre sâapproche. Ce nâest pas une entrĂ©e. Câest une prĂ©sence. Etty est dĂ©jĂ lĂ . Elle ne dit rien tout de suite. Elle Ă©coute.
PREM PRAGYAN : Cette carte⊠elle ne dit rien. Elle ne me parle pas. Elle ne donne aucun message.
ETTY : Alors respire-la. Elle nâa rien Ă tâapprendre. Elle est lĂ . Comme la vie, parfois, sans sens. Sans rĂ©ponse. Mais prĂ©sente.
PREM PRAGYAN : Jâai peur. Si le jeu se tait⊠que me reste-t-il ?
ETTY : Il te reste toi. Nue. Non pas face Ă un secret, mais face Ă une paix que rien nâexplique. Une paix que tu ne peux pas mĂ©riter, ni possĂ©der. Juste traverser.
â Carte tirĂ©e : « Le souffle sans nom »
Carte ultime du jeu â Pas de croyance, pas de message. Seulement un souffle.
PREM PRAGYAN : Alors⊠je ne fais rien ?
ETTY : Tu peux rester. Tu peux respirer. Tu peux écouter en toi ce qui ne parle pas. Le feu, parfois, ne chauffe plus. Il veille.
PREM PRAGYAN : Mais ça ne me guide pasâŠ
ETTY : Tu nâes plus guidé·e. Tu es libre. Et cette libertĂ©-lĂ , elle est nue. Elle nâa pas besoin de direction. Juste dâune attention aimante.
Le feu ne change pas. Mais autour, tout paraĂźt plus vaste. Etty ne part pas. Elle est lĂ . Elle ne sâĂ©loigne pas. Elle sâefface. Comme la lumiĂšre qui reste dans le cĆur, longtemps aprĂšs lâextinction de la lampe.
Carte : « Le souffle sans nom »
Personne
: Etty Hillesum
Prem Pragyan : Cette carte ne dit rien. Pas de
message. Pas de sens.
Etty : Ce nâest pas un
vide. Câest un espace. Tu peux juste rester. Respirer. Tu nâas
rien Ă faire. Tu peux ĂȘtre lĂ . Câest suffisant.
Prem
Pragyan : MĂȘme si jâai peur ?
Etty
: Oui. Tu peux avoir peur. Tu peux aussi accueillir ce qui est lĂ ,
sans tout comprendre.
Message de la carte :
Il nây a rien Ă
comprendre. Juste ĂȘtre lĂ . Respirer. Laisser le silence exister. Et
toi avec lui.
Penseur de la libĂ©ration â Voix des corps niĂ©s et
debout
Il a parlĂ© pour ceux quâon nâĂ©coutait
pas. Il a criĂ©, Ă©crit, soignĂ©, rĂ©sistĂ©. Il nâa pas cherchĂ© la
lumiĂšre, mais la justice. MĂȘme au prix de la rupture.
Le feu se retire. Lentement. Il ne sâĂ©teint pas. Il sâĂ©loigne. Une silhouette avance dans la pĂ©nombre. Frantz Fanon ne vient pas sâasseoir. Il reste debout, Ă la lisiĂšre. LĂ oĂč naissent les dĂ©parts.
PREM PRAGYAN : Cette carte dit : âLe feu sâĂ©loigne, et moi avec.â Elle ne mâexplique rien. Elle me laisse partir.
FANON : Parfois, il faut partir sans autorisation. SâĂ©loigner de ce qui ne comprend pas. De ce qui enferme. MĂȘme quand ça brĂ»le encore.
PREM PRAGYAN : Mais si je quitte la flamme⊠que reste-t-il ?
FANON : Toi. Ta voix. Ton souffle. Ta colĂšre peut-ĂȘtre. Mais elle est Ă toi. Pas hĂ©ritĂ©e. Pas imposĂ©e.
â Carte tirĂ©e : « Le feu sâĂ©loigne, et moi avec »
Carte de seuil â Pas de retour. Une sortie sans appel. Une traversĂ©e du non-reconnu.
PREM PRAGYAN : Et si on me demande pourquoi je pars ?
FANON : Tu nâas pas Ă justifier. Tu nâas pas fui. Tu as compris que certains lieux ne peuvent pas tâaccueillir sans te dĂ©former. Tu nâas pas besoin dây rester pour exister.
PREM PRAGYAN : Est-ce que ce départ est une révolte ?
FANON : Ce dĂ©part est une naissance. MĂȘme sâil ressemble Ă un silence. Tu nâes pas obligĂ© dâemporter la douleur. Tu peux emporter la dignitĂ©.
Le feu sâefface doucement. Fanon disparaĂźt avec lui. Il ne laisse rien derriĂšre, si ce nâest une direction : en avant. Et peut-ĂȘtre un murmure : âTu nâĂ©tais pas Ă ta place. Tu peux en crĂ©er une autre.â
Carte : « Le feu sâĂ©loigne, et moi avec »
Personne
: Frantz Fanon
Prem Pragyan : Cette carte me dit que le feu
sâĂ©loigne. Que je pars avec lui.
Fanon :
Oui. Parfois, tu dois partir. Tu nâas plus ta place. Tu ne peux
plus rester lĂ oĂč tu nâes pas respecté·e.
Prem
Pragyan : Mais ça fait malâŠ
Fanon :
Tu peux avoir mal. Mais tu peux aussi marcher. Vers autre chose. Tu
nâes pas seul·e. Ton dĂ©part est aussi une force.
Message de la carte :
Tu peux quitter ce qui
ne te respecte pas. Tu nâas pas besoin dâexpliquer. Tu peux
emporter ta force avec toi, mĂȘme en silence.
Philosophe poĂ©tique â Silence habitĂ©, feu sans
contours
Elle ne séparait pas la pensée du
souffle. Elle écrivait comme on respire, comme on pleure. Pour elle,
le feu nâĂ©tait pas une vĂ©ritĂ©, mais une blessure qui Ă©claire.
Le feu ne flambe plus. Il est lĂ , informe. Pas Ă©teint. Pas visible. Juste lĂ , sans contours. MarĂa Zambrano sâapproche comme on entre dans un rĂȘve. Son silence est habitĂ©. Elle sâassied. Ăcoute. Et ne commente pas tout de suite.
PREM PRAGYAN : Cette carte ne dit rien. Elle nâa pas de bord. Pas de message. Juste : âle feu sans formeâ.
ZAMBRANO : Le feu nâa pas toujours besoin de forme. Il est parfois attente. Ou soupir. Ou prĂ©sence qui ne sait pas encore comment apparaĂźtre.
PREM PRAGYAN : Et moi⊠comment je fais, quand je ne comprends plus rien ?
ZAMBRANO : Tu vis. Tu respires. Tu tâautorises Ă ne pas nommer. Ă rester avec ce qui nâest pas encore nĂ© en toi.
â Carte tirĂ©e : « Le feu sans forme »
Carte ultime â Aucun cadre, aucun miroir, aucune direction. Juste un seuil silencieux.
PREM PRAGYAN : Câest un feu qui ne me guide pas ?
ZAMBRANO : Non. Câest un feu qui ne tâoblige pas. Qui ne te montre pas. Il te laisse faire un pas⊠sans carte. Et dans ce pas-lĂ , tu es libre.
PREM PRAGYAN : Et si je veux quâil reprenne forme ?
ZAMBRANO : Il le fera. Ou pas. Tu nâas pas Ă dĂ©cider. Tu as juste Ă habiter ce moment sans bord. Ce feu sans nom. Cette vie encore informe.
Le feu devient brume. Pas de direction. Pas de rĂ©cit. Juste une densitĂ©. MarĂa Zambrano ne parle plus. Mais sa prĂ©sence dit ceci : âPenser ne suffit pas. Il faut rĂȘver. Et parfois, pleurer un peu en silence.â
Carte : « Le feu sans forme »
Personne
: MarĂa Zambrano
Prem Pragyan : Cette carte ne donne aucune forme.
Je ne sais pas quoi faire.
Zambrano : Tu nâas
rien Ă faire. Tu peux rester lĂ . Dans lâinconnu. Tu peux respirer
sans comprendre.
Prem Pragyan : Et si jâai
besoin dâun chemin ?
Zambrano : Le chemin
viendra. Peut-ĂȘtre. Ou peut-ĂȘtre pas. Tu peux habiter ce silence.
Il est vivant.
Message de la carte :
Tu nâas pas besoin
dâune rĂ©ponse tout de suite. Tu peux rester dans lâinforme. Tu
nâes pas perdu·e. Tu es juste lĂ , sans certitude. Et câest dĂ©jĂ
beaucoup.
Philosophe du mouvement â Le vivant avant la forme
Il
ne pensait pas le monde en idées fixes, mais en mouvement. Pour lui,
comprendre vraiment, câest sentir le flux de la vie â sans le
figer en concepts.
Le feu est discret. Il ne montre rien, mais palpite doucement, comme un cĆur. Bergson sâavance lentement, presque en dĂ©calĂ©. Il regarde la carte, qui est vide. Il sourit.
PREM PRAGYAN : Elle est blanche. Il nây a rien. Je ne sais pas si câest une erreur ou une permission.
BERGSON : Câest un commencement. Pas une absence. Cette carte nâefface rien, elle te rend la main. Elle tâoffre lâespace de ta propre crĂ©ation.
PREM PRAGYAN : Mais comment savoir quoi y mettre ?
BERGSON : Tu ne âsaisâ pas. Tu ressens, tu pressens, tu vis. Ce que tu y mettras naĂźtra de la durĂ©e â de lâintĂ©rieur, pas de lâextĂ©rieur.
â Carte tirĂ©e : « La carte blanche »
Carte de seuil â Elle nâoriente pas. Elle attend. Elle propose un espace vide Ă remplir.
PREM PRAGYAN : Et si je me trompe ?
BERGSON : Il nây a pas dâerreur dans un Ă©lan sincĂšre. Le temps tâaidera Ă ajuster. CrĂ©er, câest toujours commencer avant de comprendre.
PREM PRAGYAN : Je peux y mettre mon propre feu ?
BERGSON : Non seulement tu peux, mais tu dois. Câest ton mouvement qui lui donnera forme. Le monde nâattend pas des copies. Il attend des Ă©closions.
Le feu sâouvre comme une respiration. Pas de message, pas de leçon. Seulement un battement. Henri Bergson se lĂšve, non pas pour partir, mais pour laisser place. Ă ton geste. Ă ton pas. Ă ton image.
Carte : « La carte blanche »
Personne
: Henri Bergson
Prem Pragyan : Cette carte est blanche. Il nây
a rien écrit. Je ne sais pas quoi faire.
Bergson
: Câest normal. Cette carte est un dĂ©but. Câest Ă toi
dâinventer. Dây mettre ton propre feu.
Prem Pragyan
: Et si je me trompe ?
Bergson : Tu peux
toujours ajuster. Ce qui compte, câest que ce soit vivant. Que ça
vienne de toi.
Message de la carte :
Câest toi qui
remplis la carte. Elle nâest pas vide : elle tâattend. Ose y
écrire ton élan. Pas ce que tu sais, mais ce que tu sens.
Voix de la mĂ©moire â Geste digne, silence plein
Elle
a donnĂ© une langue Ă ceux quâon nâĂ©coutait pas. Elle a sculptĂ©
la dignité dans le non-dit. Elle écrivait pour celles et ceux que
lâhistoire voulait faire taire.
Le feu est bas. Il ne cherche pas Ă impressionner. Il garde. Toni Morrison arrive sans bruit. Elle ne sâimpose pas. Elle attend. Elle sent. Elle reste debout, puis parle comme on raconte un souvenir : lentement, sans drame.
PREM PRAGYAN : Cette carte dit quâil est temps de partir. Mais sans bruit. Sans fermeture. Comme un geste qui sâen va.
MORRISON : Ce geste nâest pas une fuite. Câest un respect. Un honneur. Une sortie qui ne rĂ©clame ni cri, ni gloire.
PREM PRAGYAN : Mais si on ne dit rien⊠comment les autres sauront que câest fini ?
MORRISON : Ils ne le sauront peut-ĂȘtre pas. Et câest trĂšs bien. Ce que tu vis nâa pas besoin dâĂȘtre expliquĂ©. Il a juste besoin dâĂȘtre traversĂ©.
â Carte tirĂ©e : « Le geste qui sâen va »
Carte de seuil â Pas de fin, pas de retour. Une dĂ©prise douce. Une respiration.
PREM PRAGYAN : Et si je ne veux pas partir ? Si je ne sais pas comment finir ?
MORRISON : Ne finis pas. DĂ©tache-toi. Laisse simplement ce qui Ă©tait... sâĂ©loigner. Comme une marĂ©e. Sans devoir y poser des mots.
PREM PRAGYAN : Et aprĂšs ?
MORRISON : AprĂšs, câest le silence. Pas vide. Pas froid. Un silence plein de mĂ©moire, et de toi.
Le feu ne commente pas. Il accepte. Toni Morrison regarde une derniĂšre fois. Puis elle tourne les talons. Elle ne sâen va pas. Elle laisse place. Comme un souffle qui respecte tout ce qui a Ă©tĂ© vĂ©cu.
Carte : « Le geste qui sâen va »
Personne
: Toni Morrison
Prem Pragyan : Cette carte me dit que je dois
partir. Mais sans faire de bruit.
Morrison :
Oui. Tu nâas pas besoin dâexpliquer. Tu peux tâĂ©loigner
doucement. Ce nâest pas fuir. Câest respecter ton chemin.
Prem
Pragyan : Et si je ne sais pas comment faire ?
Morrison
: Tu nâas rien Ă faire. Tu peux juste laisser partir ce qui doit
partir. Tu peux garder en toi ce qui est précieux.
Message de la carte :
Tu peux tâĂ©loigner
sans bruit. Sans fin claire. Tu peux juste respirer, respecter ce qui
a été, et continuer doucement. Sans justification.
Il nây a pas eu dâenseignement. Il y a eu des traversĂ©es.
Ce cercle ne demande pas dây croire. Il propose de ressentir.
Ici, lâincarnation nâest pas spectaculaire. Elle est respirĂ©e.
Le prochain cercle â Volume 6 â osera le paradoxe. Il fera dialoguer des contraires. Des figures irrĂ©conciliables. Des tensions vives, et peut-ĂȘtre fĂ©condes.
Cinq cercles ont traversé la nuit.
Ils ont dansĂ©, doutĂ©, rĂȘvĂ©, heurtĂ©, puis respirĂ©.
Le feu a tenu bon. Il a écouté, éclairé, questionné.
Et maintenant, il ne sâĂ©lĂšve plus.
Il luit encore. Une derniĂšre fois.
Lâaube approche.
Le ciel change doucement.
Ce dernier cercle ne cherche pas Ă conclure.
Il se reconnaĂźt.
Il regarde le jeu lui-mĂȘme,
puis celui qui lâa traversĂ© : Prem Pragyan.
Il ne reste plus quâun souffle.
Deux cartes. Trois présences.
Et une lumiĂšre qui revient, sans bruit.
Lâaube approche. Le feu veille. Toutes les cartes ont Ă©tĂ© tirĂ©es. Ou presque. Une derniĂšre repose entre les doigts de Prem Pragyan.
LE FEU : Tu as traversé la nuit. Tu as douté avec finesse. Tu as ri, pleuré, réfléchi, aimé.
Mais dis-moi⊠nâas-tu pas fini par croire au jeu lui-mĂȘme ?
âš PREM PRAGYAN : Je lâai construit pour me libĂ©rer. Et parfois, jâai voulu quâil me tienne.
Peut-ĂȘtre ai-je fait du doute un abri.
LE FEU : MĂȘme la critique peut devenir un rituel. MĂȘme la luciditĂ© peut se figer.
Pose la carte. Pas pour lâoublier. Pour quâelle ne devienne pas une nouvelle vĂ©ritĂ©.
Prem pose la carte : « Le jeu lui-mĂȘme ». Le feu ne sâĂ©teint pas. Il sâadoucit.
Le feu parle Ă Prem. Il lui dit que mĂȘme le doute peut devenir
une croyance.
Prem comprend. Il pose la carte. Il peut continuer
sans sâaccrocher.
Une voix intĂ©rieure sâĂ©lĂšve. Douce. Claire. Pas une certitude. Une trace.
LA VOIX : Tu as doutĂ© avec soin. Mais il reste une chose que tu nâas jamais pu lĂącher.
âš PREM PRAGYAN : Je crois encore.
En la beautĂ©. En lâhumain.
MĂȘme quand je nây crois plus.
LA VOIX : Alors garde cette croyance.
Pas comme un dogme. Comme une flamme fragile.
Prem nâessaie plus de comprendre. Il accepte cette prĂ©sence
en lui.
Elle ne cherche pas Ă convaincre. Elle tient.
Prem entend une voix en lui.
Elle lui dit : tu peux garder
une petite foi, mĂȘme en doutant.
Câest
humain. Et câest assez.
Le ciel devient bleu. Le feu se tient droit. Yogi Bhajan
approche.
Il ne vient ni enseigner ni discuter. Il vient bénir.
Il sâapproche.
Pose une main ferme sur lâĂ©paule de Prem.
YOGI BHAJAN :
âTenez bon.â
Il ne reste pas. Il repart. Pas par distance. Par clarté.
Le
feu baisse. Il sâincline.
Yogi Bhajan arrive. Il pose sa main sur lâĂ©paule de Prem.
Il
dit : âTenez bon.â
Puis il repart. Câest
un geste simple et fort.
Osho entre. Il sourit. Il danse. Pas pour enseigner.
Pas
pour prouver. Il danse parce que câest vivant.
Il tourne, glousse, improvise.
Il sâarrĂȘte, regarde Prem :
OSHO (en riant) :
âSi je te dis quelque chose⊠tu vas encore vouloir lâĂ©crire dans une carte.â
Et il disparaĂźt. Comme un enfant qui sait.
Le feu
frémit. Et rit un peu avec lui.
Osho arrive. Il danse et rit.
Il dit Ă Prem
:
âSi je parle, tu vas vouloir tout noter.â
Puis
il sâen va. Libre.
Sharabi entre. Humble. Silencieux. Il ne commente rien.
Il
récite simplement ce poÚme ancien :
Trois papillons sâapprochent dâune chandelle.
Le premier dit : âJe sais ce quâest lâamour.â
Le deuxiĂšme touche la flamme : âJe sais maintenant.â
Le troisiĂšme se jette dans la flamme.
Lui seul savait ce quâest lâamour.
Sharabi sâincline. Et se retire.
Le feu ne parle plus.
Il garde le silence.
Sharabi ne donne pas de conseils.
Il lit un poĂšme.
Le
papillon qui entre dans le feuâŠ
Câest lui qui
comprend vraiment.
Toutes les cartes ont été tirées.
Le jeu est entier. Le cercle est revenu Ă sa source.
Il ne reste plus rien Ă comprendre.
Il reste Ă vivre.
Osho a dansé.
Yogi Bhajan a dit : âTenez
bon.â
Sharabi a récité.
Le feu a parlé.
Le feu ne sâĂ©teint pas. Il sâincline.
Le silence est lĂ . Il nâexplique rien.
Et câest parfait ainsi.
PREM PRAGYAN